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Coraline WODLING, (LY-TC 2016) Enseignante au primaire au Québec
DE CONSULTANTE À ENSEIGNANTE À L'ÉTRANGER : UN CHOIX SURPRENANT MAIS LOGIQUE ?
Après deux années d'exercice post-diplôme, j'ai quitté mon poste de consultante IT pour suivre mon rêve d'enfance, devenir enseignante au primaire. Loin d'un choix utopique, j'ai toujours pensé que chacune de ces étapes constituait une suite logique de la précédente. Je souhaite donc vous partager mon parcours, en commençant par mes belles années INSAliennes jusqu'à arriver à mes projets futurs, maintenant que je suis en poste comme enseignante, à Montréal.
Lorsque je remonte à mes années lycées, l'INSA s'impose rapidement comme un choix évident : une formation généraliste, où je n'étudierai pas que les sciences, mais qui me donnera de nombreux débouchés plus tard. L'enseignement - mal perçu par la société et par mes proches - n'est alors pas une option. J'intègre le premier cycle de l'INSA Lyon. Dès la deuxième année, je rentre en section DanseÉtudes : j'aimerais enrichir mes études de cette option à la fois créative et sportive. Lorsqu'il s'agit de choisir mon département d'option, je passe beaucoup de temps à m'interroger : j'aime toutes les disciplines enseignées à l'INSA Lyon. Ayant une appétence particulière pour les nouvelles technologies et leur utilisation, je m'oriente vers les Télécommunications, Services et Usages (département TC). Avant ma quatrième année, je ressens le besoin de mettre en pratique ce que j'apprends en cours. J'intègre alors le parcours apprentissage en devenant cheffe de projet alternante chez Orange, ce qui me confère une vision plus pratique de ce que pourrait être mon futur métier.
Lors de ma dernière année se pose, comme pour tous les futurs diplômés INSA, la question de mon début de carrière post-diplôme. Je rencontre mon tuteur et je lui explique que j'aimerais travailler dans un domaine qui touche à la santé ou à l'éducation. J'ajoute que je n'ai pas un profil très technique, ni commercial. Il me répondra d'éviter l'enseignement - et surtout le primaire, et me conseillera de travailler dans le conseil. D'après lui, il s'agit d'un bon compromis par rapport à ce que je ne souhaite pas dans mon futur travail. Je décide de suivre ses conseils et passe les entretiens pour être embauchée chez Wavestone, comme consultante junior IT & Data Architecture.
Rapidement, je m'interroge sur mon avenir. J'aime découvrir mes clients et apprendre chaque jour sur de nouveaux sujets mais je ne me sens pas épanouie. Je me pose beaucoup de questions sur l'équilibre entre un travail dont on a rêvé, un travail où l'on est compétent, et un travail qui nous apporte des choses, pas uniquement au niveau du salaire. Au bout d'un an, je décide de préparer le Concours de Recrutement des Professeurs des Écoles (CRPE) dans l'académie de Paris. Je continue mes missions pour Wavestone en parallèle et j'ai l'occasion, en animant des formations, de confirmer mon attirance pour tout ce qui touche à la pédagogie.
À cause du préavis dans mon contrat, je prends le risque de démissionner avant d'avoir passé mes épreuves. Je réussis heureusement et suis affectée dans une classe de CE2 dans le XIe arrondissement de Paris. Si je sors totalement de ma zone de confort, j'ai l'impression pourtant d'être à ma place. Enseigner est loin de se résumer à parler à des élèves devant un tableau blanc. Comme un chef de projet, je gère mon budget de classe, je planifie mes apprentissages sur l'année et j'organise mes ressources pour aider mes élèves de la meilleure façon possible. Il me faut aussi contacter régulièrement les parents de mes élèves pour leur expliquer les progrès de leurs enfants, travailler avec mes collègues, et surtout valoriser mes élèves. Quelque part, je suis aussi leur manager : je les encourage à faire de leur mieux et à persévérer pour atteindre les objectifs fixés par le programme scolaire. Je m'adapte à chacun : élève à Haut Potentiel Intellectuel (HPI), en grande difficulté d'apprentissage, à Trouble De l'Attention avec Hyperactivité (TDAH)...
En plus de ces tâches inhérentes à mon travail, je deviens Ambassadrice du Numérique pour l'académie de Paris. Effectuer une veille technologique générale dans mon ancien travail et désormais pédagogique me permet de connaître les outils pertinents pour aider les élèves et je souhaite en faire bénéficier mes collègues. En particulier, je mets un point d'honneur à initier chaque année mes élèves à la programmation et à la robotique. Je développerai notamment une application GlideApps pour partager les actualités de ma classe et qui sera un support précieux pour l'enseignement à distance par la suite.
Aujourd'hui je peux affirmer que j'aime enseigner au Québec, comme en France. ce n'est en revanche pas un métier facile, ni reconnu.
Je crée aussi des projets multidisciplinaires, où je prépare mes élèves à travailler en équipe plus tard, avec différents rôles attribués à chacun. Dans leur vie d'adulte, les métiers ne seront pas cloîtrés à une seule discipline et la créativité sera un différenciateur face à tous les travaux automatisés et à la montée en puissance de l'Intelligence Artificielle. Par exemple, nous réalisons en classe un court-métrage, nous enregistrons des émissions de radio sur des thèmes importants des programmes scolaires ou créons une exposition sur les lieux du quartier de l'école.
J'ai par ailleurs toujours rêvé de vivre à l'étranger pour découvrir d'autres cultures. Durant ma dernière année à l'INSA Lyon, j'avais eu la chance d'étudier quelques mois à l'Universidad de Cantabria, à Santander (Espagne). Lors de ma deuxième année d'enseignement, j'apprends par hasard que le Québec recrute des enseignants pour ses écoles. Je postule et effectue ensuite les démarches d'immigration, avant de m'installer l'année suivante à Montréal. Je m'adapte aux nombreuses différences des deux systèmes scolaires. Au Québec, on favorise le bien-être à l'école et le sentiment d'appartenance au groupe avant les apprentissages. Le rythme de travail est lui aussi différent, ainsi que la relation avec les collègues et la hiérarchie.
Aujourd'hui, je peux affirmer que j'aime enseigner, au Québec comme en France. Ce n'est en revanche pas un métier facile, ni reconnu. Tous les enseignants effectuent de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées dans les deux pays où j'ai pu travailler, afin d'offrir la meilleure éducation possible à leurs élèves. La société remet aussi trop souvent en question nos compétences. Plus important encore, certains élèves n'ont pas un profil adapté aux classes dites « régulières" et ne bénéficient pas d'enseignements adaptés car les systèmes publics sont systématiquement en pénurie de places. Ces élèves sont malheureux et leurs enseignants ne sont pas vraiment formés pour les aider.
Ainsi, d'ici quelques années, j'envisage de devenir ingénieure pédagogique, ce qui me permettrait de mettre en pratique mes compétences des deux domaines dans lesquels j'ai travaillé, à la fois si différents et si semblables. J'ai l'espoir utopique d'un jour démocratiser une technologie qui permettrait à tous les enfants, sans exception, de pouvoir apprendre dans de bonnes conditions. |
Extrait de la revue INTERFACE n°143 - Diplômé autrement.
Coraline WODLING, (LY-TC 2016) Enseignante au primaire au Québec
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